LA CHATTE MÉTAMORPHOSÉE EN FEMME
JEAN de LA FONTAINE
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Un homme chérissait éperdument sa Chatte ; Il la trouvait mignonne, et
belle, et délicate, Qui miaulait d'un ton fort doux. Il était plus fou
que les fous. Cet Homme donc, par prières, par larmes, Par sortilèges et
par charmes, Fait tant qu'il obtient du destin Que sa Chatte en un beau
matin Devient femme, et le matin même, Maître sot en fait sa moitié.
Le voilà fou d'amour extrême, De fou qu'il était d'amitié. Jamais la
Dame la plus belle Ne charma tant son Favori Que fait cette épouse
nouvelle Son hypocondre de mari. Il l'amadoue, elle le flatte ; Il
n'y trouve plus rien de Chatte, Et poussant l'erreur jusqu'au bout, La
croit femme en tout et partout, Lorsque quelques Souris qui rongeaient de la
natte Troublèrent le plaisir des nouveaux mariés. Aussitôt la femme est
sur pieds : Elle manqua son aventure. Souris de revenir, femme d'être en
posture. Pour cette fois elle accourut à point : Car ayant changé de
figure, Les souris ne la craignaient point. Ce lui fut toujours une
amorce, Tant le naturel a de force. Il se moque de tout, certain âge
accompli : Le vase est imbibé, l'étoffe a pris son pli. En vain de son
train ordinaire On le veut désaccoutumer. Quelque chose qu'on puisse
faire, On ne saurait le réformer. Coups de fourche ni d'étrivières
Ne lui font changer de manières ; Et, fussiez-vous embâtonnés,
Jamais vous n'en serez les maîtres. Qu'on lui ferme la porte au nez,
Il reviendra par les fenêtres.
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